Le modèle de Kano est un modèle théorisé par Noriaki Kano dès 1984. Il a constaté que la satisfaction et l’insatisfaction résultant chez un utilisateur de la perception d’un produit ou d’un service ne sont pas symétrique. Ainsi, d’après lui en effet, l’existence d’une caractéristique d’un produit ou d’un service peut satisfaire un utilisateur, sans que son absence ne provoque une sensation d’insatisfaction.
Utiliser le modèle de Kano dans une démarche de Design thinking ?
L’intérêt de ce modèle pour le Design thinking repose sur les éléments suivants :
- Il part de la perception de l’utilisateur réel ou potentiel ;
- Il prend en compte les attentes explicites mais permet de faire émerger les attentes latentes, non encore exprimées par l’utilisateur ;
- et il permet de remettre en cause une fonctionnalité déjà existante et qui est sujette avec le temps à la banalisation, notamment en comparaison avec les produits ou services concurrents.
Ainsi, l’utilisateur est bien au centre du modèle de Kano, tout comme le Design thinking. Voyons maintenant quelles sont les fonctionnalités qu’analyse ce modèle.
Les 5 catégories de fonctionnalités analysées
Les fonctionnalités qu’un utilisateur attend d’un produit ou d’un service peuvent être classés en cinq catégories différentes :
- Obligatoires, indispensables – (Must have) Ces fonctionnalités sont souvent implicites. Elles sont pourtant considérées comme essentielles. Leur présence et leur bon fonctionnement sont perçues comme « normal » sinon obligatoires. Dès lors, si les attentes sont satisfaites, tout va bien, mais c’est juste normal.
À l’inverse, leur absence ou leur dysfonctionnement provoquent toujours une insatisfaction vue comme légitime. Ne pas satisfaire cette attente peut provoquer une frustration de la part de l’utilisateur. - Attractives – (attirantes) Ces fonctionnalités satisfont l’utilisateur quand elles sont présentes et fonctionnent bien. Ces fonctionnalités sont réputées ne pas faire « normalement » partie du produit. Leur présence est donc une « heureuse surprise »À l’inverse, leur absence n’entraîne pas de déception ou d’avis négatif sur le produit.
Ces fonctionnalités augmentent la satisfaction implicitement : elles sont assimilables à des besoins latents ou émergents. L’un des intérêts majeurs de la méthode est de donc découvrir ces besoins pas encore exprimés. - Proportionnels ou linéaires – (One-Dimensional) Ces fonctionnalités accroissent la satisfaction à proportion de la façon dont on les satisfait. La satisfaction ou l’insatisfaction résulte de l’adéquation de la performance constatée par rapport à la performance annoncée ou suggérée : Satisfaction quand elles sont présentes et marchent, mais insatisfaction lorsque elles ne sont absentes ou ne correspondent pas à l’attente créée.
Un non-respect d’une attente suscitée engendre immédiatement l’insatisfaction de l’utilisateur. Par ailleurs, la frustration est proportionnelle à l’intensité de la promesse faite. - Indifférents – (Zone d’indifférence) De telles fonctionnalités ne provoquent pas du fait de leur présence ou de leur absence de mécontentement ou d’insatisfaction significatifs.
- À double tranchant – (Reverse) Ces fonctionnalités sont interprétés par certains comme un avantage qui engendre une satisfaction mais sont considérées par d’autres comme un inconvénient qui provoque une insatisfaction.
Un exemple d’analyse des fonctionnalités
Prendre un exemple de ces différentes fonctionnalités permet d’illustrer l’intérêt du modèle de Kano. Prenons ainsi un objet de tous les jours que, presque tout le monde a dans la poche : un téléphone portable et voyons successivement les fonctionnalités les unes après les autres.
- obligatoires : téléphone, répertoire messagerie, appareil photo, email, internet, possibilité de télécharger des applications tierces… ;
- attractifs : un appareil photo très performant. Rappelez vous le Nokia 3310 sorti en 2000 qui n’en n’avait pas et qui fut pourtant l’un des téléphones les plus vendus en son temps ;
- proportionnelles ou linéaires : la durée de vie de la batterie annoncée comme très supérieure aux autres modèles ;
- indifférents : cela peut concerner la forme et la praticité de l’emballage dans lequel le téléphone est vendu : en effet peu de personnes y prennent garde ;
- à double tranchant : la complexité des téléphones actuels pour ceux qui n’ont besoin que de téléphoner et d’envoyer des sms.
Déterminer les fonctionnalités de votre produit ou de votre service
Dans le cadre d’une interview avec un utilisateur cible, vous devez lister les différentes fonctionnalités de votre produit ou de votre service en demandant : « Si la fonctionnalité suivante est absente du produit / au service, vous diriez que » :
- vous êtes content,
- c’est normal qu’elle soit intégrée,
- ça m’est égal ;
- vous feriez avec ;
- vous seriez mécontent.
Symétriquement, vous devez demandez : « Si la fonctionnalité suivante est absente du produit / au service, vous diriez que » en reprenant le même choix de réponse.
Faire cette liste est primordial parce que c’est à partir de celle-ci que vous allez pouvoir déterminer ce qui est important pour vos utilisateurs et donc les satisfaire au mieux.
Observez et écoutez bien vos interlocuteurs : il est possible qu’ils évoquent une fonctionnalité à laquelle vous n’avez pas encore pensé et qui serait une « heureuse surprise » pour eux !
Un diagramme pour expliquer le modèle de Kano
Le modèle de Kano peut être représenté par le diagramme suivant :
D’une part, la zone correspondant au besoin basique, en vert. C’est ce qui correspond à un « standard » du produit ou du service. Ce sont les fonctionnalités que doit posséder le produit ou le service pour répondre au besoin de l’utilisateur. Sans ces fonctionnalités, le produit ou le service est jugé inutilisable voire invendable. Un utilisateur ne verrait donc pas ce produit ou ce service comme une entrée de gamme.
De plus, ne pas prendre en compte l’existence de ces fonctionnalités rend inutile le lancement du produit ou du service et peut menacer la réputation de la marque.
D’autre part, la zone de performance, en bleu. C’est dans cette zone que le produit ou le service va se distinguer de ses concurrents. Ce n’est pas grâce à une innovation mais parce que ses fonctionnalités sont meilleures. Le produit ou le service est perçu par l’utilisateur comme performant. Cela peut être grâce à :
- une plus grande contenance pour le même prix, une meilleure performance…
- un produit ou un service meilleur marché.
Les utilisateurs vont discuter de ces fonctionnalités lors de leur achat. Plus les fonctionnalités seront performantes, plus l’utilisateur sera satisfait.
Ensuite, la zone d’excitation, en rouge. Ces fonctionnalités sont difficiles à identifier. Tout l’intérêt du Design thinking et de la phase d’empathie est de déceler ces attentes et de comprendre quelles sont les fonctionnalités qui emballeront les utilisateurs. Il s’agit de l’heureuse surprise. C’est le cœur de l’innovation : ces fonctionnalités créent de nouveaux besoins auxquels l’utilisateur n’avait pas pensé. Une innovation bouleversante n’est pas nécessaire. Une micro-innovation est suffisante pour satisfaire un besoin émergent.
Enfin, n’oubliez pas qu’il y a un glissement progressif, au cour du temps, des fonctionnalités depuis l’heureuse surprise vers le besoin basique. C’est le cas des téléphones actuels qui intègrent tous des appareils photo absents il y a encore quelques années.
En conclusion, vous le voyez, le modèle de Kano, qui met l’utilisateur au premier plan, a tout sa place comme outil à utiliser dans le cadre d’une démarche basée sur le Design thinking.
Et vous, utilisez-vous ce modèle dans un autre cadre ?